Conclusion

 

Nous avons soulevé, dans cette étude, plusieurs problèmes concernant l’œuvre de Zola. L’étude des premiers livrets a permis de démonter les mécanismes de passage du texte romanesque au texte lyrique. Nous avons vu ce que gagnait l’œuvre zolienne en poésie mais aussi ce qu’elle perdait dans sa force idéologique.

Les livrets écrits par Zola sont maintenant replacés au centre de l’œuvre de l’écrivain. Le « troisième Zola » a retrouvé toute sa cohérence et il semble impossible d’essayer de comprendre Zola tout en excluant son rôle de librettiste.

Enfin, la réception des drames lyriques nous a montré à quel point ils étaient populaires en leur temps, tant chez le public anonyme des premières que chez les grand noms de la musique. Il nous faudrait ainsi méditer les réactions d’un Mahler ou d’un Debussy afin de reconsidérer, aujourd’hui, notre conception de ces opéras.

Cette étude, si elle a évoqué quelques axes de recherche, a également pour vocation de dresser le sens des études à venir. Il reste à s’intéresser à la musique dans l’œuvre romanesque de Zola : voir comment la musique joue parfois un rôle dans la narration, relever les impressions musicales de Zola distillées dans ses romans. Le second travail serait de développer l’étude des drames lyriques afin d’en cerner les moindres détails tant littéraires que musicaux. A cette occasion, il reste de nombreux documents de la collection Puaux-Bruneau à mettre en valeur. Nous avons débuté ce travail de collecte et de numérisation de ces documents mais il reste de nombreuses photographies à découvrir ainsi qu’une riche correspondance à dépouiller afin d’en apprendre davantage sur la relation Zola-Bruneau mais également sur l’histoire de la musique et des musiciens à cette époque.

Du point de vue de la réception, tout reste à faire. Il s’agit d’étudier l’impact des drames lyriques en France, à Paris comme en province, mais également à l’étranger. A ce titre, de nombreux articles en anglais et en allemand demandent à être traduits. Il faudrait également se poser la question de la place de la musique dans l’école naturaliste (notamment chez Céard).

Nous pouvons donc constater que la musique chez Zola reste un axe d’étude peu exploré et qu’il est nécessaire d’entreprendre ce vaste travail sans tarder.

Le 15 juin 1934 s’éteignait Alfred Bruneau. Il allait rejoindre le paradis des musiciens. Pourtant, il ne s’imaginait pas que sa musique connaîtrait un temps le purgatoire. A l’image de Massenet, et de l’école française de la fin du XIXe siècle, qui fut oublié pendant longtemps, sa musique est aujourd’hui peu diffusée. Ce travail a, entre autres objectifs, vocation à réhabiliter son oeuvre. Le projet Gallica de la Bibliothèque Nationale de France, visant à étudier un roman de Zola, Le Rêve, dans la globalité de ses adaptations (comme le drame lyrique), permettra de faire découvrir cet opéra à un large public.

Mais, il faudrait également reconsidérer la permanence de ces œuvres sur les scènes françaises. Peut-être l’année 2002, année du centenaire de la mort de Zola, sera-t-elle l’occasion pour un grand orchestre français de remettre une de ces œuvres au programme ? L’Orchestre National de Lille, sollicité en ce sens, n’a pas exclu cette possibilité même s’il étudie en détail l’impact que cela pourrait avoir sur ses abonnés. L’opéra naturaliste n’est pas mort. Pour s’en persuader il suffit de constater la diffusion énorme de Louise de Charpentier ; opéra qui, pourtant, contraste singulièrement avec les drames de Zola et Bruneau tant par sa banalité littéraire que par son peu de profondeur idéologique. Il suffit d’en écouter un extrait pour s’en persuader (Plage 19). C’est d’ailleurs peut-être en cela qu’il est encore écouté et joué de nos jours.

Enfin, il reste des documents inédits à retrouver. Qu’est-il advenu du projet de Massenet pour La Faute de l’abbé Mouret ? Que sont devenus les cartons dessinés par Zola pour les décors du Rêve ?

La musique chez Zola n’est donc pas un élément anodin. Comme pour la photographie Zola conçoit son rôle de librettiste avec beaucoup de sérieux. Si nous avons voulu replacer la musique au cœur de son œuvre c’était peut-être parce que Zola le voulait également. Laissons-lui une dernière fois la parole :

 

Comme tous les romanciers ou presque tous, j’ai fait fi de la musique. Mais maintenant, elle se fourre partout. Je suis bien obligé de l’admettre. Au XVIIIe siècle, nous avions une langue d’une limpidité extraordinaire ; le romantisme est venu et a apporté la peinture dans les lettres, on écrivait des phrases peintes. Aujourd’hui, la jeune école met de la musique dans la littérature, les phrases doivent être musicales. Soit. En avant donc la musique[1].

 

Prenons donc Zola au mot et … en avant la musique !

 

 

 



[1] Emile Zola, Entretien accordé à L’Eclair le 6 juin 1891

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